Non, une photographie n’est pas un bien librement exploitable !
Un jugement du tribunal judiciaire de Rennes apporte aux débats une clarification salutaire
En cas d’usage non autorisé d’une photographie, le recours à la protection par le droit d’auteur est spontanément invoqué : n’est-il pas naturel que son auteur s’estime spolier d’un bien qui lui appartient ? Une conception restrictive du critère d’originalité conduit toutefois certains tribunaux à dénier aux photographes professionnels les droits d’auteur dont ils croyaient être investis sur leurs clichés (voir notre article https://www.photo-ip.com/protection-des-photographies-redefinir-le-concept-doriginalite/).
Cette conception conduirait à une évidente injustice si l’auteur du cliché n’avait alors la possibilité de se rabattre sur le parasitisme lequel « consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un autre afin de tirer indûment profit de ses efforts et de son savoir- faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis » (Cass. Com., 28.02.2024, 22-21825). Le « parasite », utilisateur, engage sa responsabilité et s’oblige à réparer les préjudices subis par le « parasité », le photographe.
A dire vrai, en présence de l’utilisation non autorisée d’une photographie, les tribunaux font usage d’un « parasitisme allégé ». Le concept, propre au droit économique, n’est pas très adapté à l’utilisation illicite d’un cliché repris à l’identique. Même si le terme de « parasitisme » correspond bien à ce type d’usage, force est de constater qu’il suffit d’appliquer les règles attachées à la responsabilité civile de droit commun : toute faute oblige à réparer les préjudices subis. Or, il ne fait aucun doute qu’utiliser le travail des autres sans le rémunérer est une faute.
Le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Rennes le 6 mai 2024 (22/01433) apporte ici une clarification salutaire. En jugeant que « même en l’absence de protection par le droit d’auteur, l’utilisation d’une photographie sans rémunération de son auteur peut lui causer un manque à gagner, constitutif d’un dommage au sens de l’article 1240 du Code civil ».
Pour les juges rennais, un photographe professionnel peut réclamer comme n’importe quel acteur économique, une rémunération de son travail. Il s’agit là d’une évidence utilement soulignée. Si un cliché professionnel n’est pas une œuvre originale, il n’en reste pas moins le fruit d’un travail et d’un investissement. Prendre ce travail, sans autorisation ni paiement, n’est-ce pas finalement le « voler » ?
Pour en savoir plus https://www.photo-ip.com/etudes/la-protection-par-laction-en-responsabilite-civile/